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Le Message de Joël de Rosnay

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La cheminée solaire : mariage du vent et du soleil

03/11/2002

La flambée possible des prix du pétrole et la pénurie annoncée de l’or noir au cours du premier tiers du 21ème siècle, font revenir sur le devant de la scène mondiale les promesses des énergies renouvelables.

Les grande compagnies pétrolières investissent des sommes considérables dans ce domaine afin de préparer la grande transition vers une économie de l’hydrogène plutôt que du carbone, fondée notamment sur les piles à combustible pour les transports, l’utilisation domestique et les bureaux. La question fondamentale reste évidemment la production d’hydrogène. Aujourd’hui la principale source est le gaz naturel, un combustible non renouvelable. La voie royale est évidemment l’électrolyse de l’eau, mais elle nécessite d’importantes quantités d’électricité. C’est pourquoi de nombreuses entreprises s’orientent vers la production d’électricité par énergie solaire ou éolienne.

Une cheminée de 1 kilomètre

Dans ce contexte, un des projets parmi les plus futuristes est sans nul doute la "cheminée solaire" de l’ingénieur Jorg Schlaich de l’Université de Stuttgart, qui sera opérationnelle en 2005 près de la ville de Mildura dans le désert Australien, grâce aux efforts de la société EnviroMission et du Gouvernement australien.

D’un coût total de 700 millions de dollars, cette cheminée de 1000 m de haut entourée d’une serre circulaire d’une surface équivalente à la moitié de celle de Paris, sera le plus grand édifice jamais réalisée par l’homme. Le feu vert pour sa construction, qui débutera en 2003, vient être donné. En régime de croisière elle produira 200 mégawats d’électricité, de quoi alimenter 200.000 foyers ou la totalité des besoins de la ville de Hobart.

Un vent de 60 kilomètres/heure

Son fonctionnement est simple. Il se fonde sur trois  principes connus depuis des siècles : la cheminée, la serre et l’éolienne. L’air chaud monte dans une cheminée, ce qui assure son "tirage". Le tube de 1000 m. construit en béton précontraint de 25 cm d’épaisseur crée une différence de température de plusieurs dizaines de degrés entre sa base et son ouverture supérieure. Cette base, en forme trompette reposant sur son cornet  et couvrant une superficie de 200 m de diamètre, est en effet entourée par une serre en plastique de 5 km de diamètre.

L’air de la serre, chauffé par le soleil, s’engouffre dans la cheminée, créant un vent régulier d’une vitesse moyenne de 60 km à l’heure, capable de faire tourner en permanence des aérogénérateurs situés dans le prolongement de la base. Pour récupérer la chaleur pendant la nuit, des matériaux absorbants ou des boudins à circulation d’eau sont placés dans la serre, ce qui assure un gradient thermique suffisant et donc un fonctionnement 24h/24, contrastant avec celui des fermes à vent soumises aux aléas de la météorologie.

De plus, les turbines tournent avec un rendement 8 fois supérieur à celui d’éoliennes implantées en plein air, en raison de « l’effet Venturi » dû au rétrécissement de la cheminée. Le fonctionnement de la cheminée est continu, comme celui d’une centrale nucléaire (8000 heures par an, contre 2000 heures pour les aérogénérateurs en pleine nature), ce qui permettra de produire 500 gigawatts/heure par an d’électricité.

Couvrir les besoins d'une ville moyenne

Cette électricité pourra être utilisée à distance pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau et pour l’éclairage, le chauffage ou les besoins industriels d’une ville moyenne.

Les endroits les plus favorables à ce type de centrale solaire/éolienne se trouvent en Afrique du Nord et principalement au Sahara, au sud de l’Inde, dans le centre de l’Australie et, aux Etats-Unis, dans le désert californien, le sud du Nevada, le Nouveau Mexique, et l’ouest du Texas. Une cheminée solaire expérimentale de 50 kilowatt construite au début des années 80 en Espagne a fonctionné sans problèmes pendant deux ans. Le coût de l’électricité produite par la cheminée solaire australienne sera supérieur de 70% par mégawatt installé à celui d’une ferme éolienne moderne, mais son fonctionnement continu devrait, selon ses promoteurs, se transformer en avantage.

Une question

Reste une grande question : en transformant du rayonnement solaire en chaleur, et donc en réduisant la capacité de réflexion de ces radiations vers l’espace, ce type de centrale ne risque-t-il pas de contribuer à l’effet de serre, même s’il réduit les émissions de CO2 ? L’avenir nous dira si les déserts vont devenir des lieux de production d’énergie. Non plus grâce aux richesses de leur sous-sol, mais à celles de leur surface.