Articles sur le livre "La symphonie du vivant"

À la recherche du bien commun...

Analyse de Thierry Moulonguet du livre "La Symphonie du vivant"

Joël de Rosnay est un pionnier- passeur-pisteur pour notre temps , en nous emportant avec lui aux frontières de la connaissance.

Dans son livre le plus récent “ La symphonie du vivant “ ( publié chez LLL ) , il nous fait cheminer dans le domaine de l’épigénétique , en explorant les liens entre l’esprit , le corps, le patrimoine génétique et le mode de vie . La relation entre l’esprit et le corps est un thème exploré depuis les philosophes grecs dont les intuitions ont été largement confirmés par la science. Dans cette ligne , Joël de Rosnay nous montre que le programme ADN pourrait ètre exprimé, modulé , inhibé par le comportement des êtres vivants . 


Cette forme de rétroaction influerait directement sur l’évolution en s’imprimant dans les gènes . L’une des implications de cette nouvelle perspective est la prise de conscience que chacun peut être le meilleur ami de soi même, devenir “ le chef d’orchestre de son propre corps “, en s’appuyant sur 5 piliers : une alimentation équilibrée ( la bonne nouvelle est que l’on est autorisé à augmenter la part de gras dans les menus ) , l’activité physique, la méditation en pleine conscience, le plaisir , la poursuite de l’harmonie. Bienvenue à la pensée positive.

Mais la grande nouveauté de ce livre est la découverte d’une nouvelle frontière:la possibilité dela modification de l’expression de l’ADN sociétal par l’epimémétique , l’équivalent pour le corps social, de l’épigénétique pour notre propre corps . Le concept clé à la base de cette translation est le “ mème “ tel qu’il a été défini par Richard Dawkins dans “ Le gène égoïste “ , comme “ une unité d’information continue dans un cerveau et échangeables au sein de la société “ . On retrouve là l’univers numérique et la capacité d’influer par ses actions individuellement ou plus généralement en coopération sur le cerveau planétaire. Cette représentation de la société qui s’exprime en liens et flux se situe dans la lignée des travaux d’Edgar Morin sur l’approche systémique, les boucles de rétroaction comme mode de régulation, l’interdisciplinarité. L’une des questions posées par cette représentation est naturellement celle du pouvoir sur les réseaux et Joël de Rosnay en fait un noeud essentiel de son raisonnement: la réponse naturelle devrait être un progrès massif de la gouvernance mondiale, mais qui se heurte au rapport de force entre les grandes puissances .

Ce vide est comblé par l’émergence des GAFA qui par leur puissance financière, leur présence croissante sur tout le champ social, leur appropriation des données ont largement pris le contrôle du cerveau planétaire . On ne peut évidemment pas se satisfaire d’une telle mainmise et “ La symphonie du vivant “ ouvre une toute autre perspective avec l’epimémétique , celle de la démocratie participative . Comme l’a montré le documentaire “Demain “ de Mélanie Laurent , l’ère des réseaux est également celle des initiatives décentralisées, inventives , solidaires et transformantes , le temps des “communities “ , qui sur la durée contribuent à changer la réalité, à modifier l’expression de l’ADN sociétal en donnant au citoyen la capacité de reprendre une forme de pouvoir sur le cours des choses .

La pensée positive consisterait à poser la possibilité d’une convergence très nouvelle entre un sursaut de la gouvernance mondiale ( d’autres conférences de Paris sur l’environnement) , la contribution des GAFA à la résolution de grands défis planétaire ( le domaine de la santé en est potentiellement une illustration) et l’intensification mondiale des initiatives décentralisées qui est la principale assurance aujourd’hui d’un cheminement vers le bien commun. Cette méta coopération est elle imaginable ? Le temps presse .
Thierry Moulonguet