" Je pense qu’avec les vidéo-blogs, le phénomène de la vidéosurveillance va s’inverser. Jusqu’à présent, c’étaient les mairies et les magasins qui imposaient une vidéosurveillance, du haut vers le bas, afin de filmer les prétendus abus de leurs citoyens ou consommateurs. Maintenant, c’est l’inverse qui se produit. Avec leurs milliers de caméras, ce sont les citoyens qui décident d’aller filmer les conseils municipaux de leur ville pour témoigner des excès de certains hommes politiques, et les consommateurs feront de même avec des vendeurs peu scrupuleux. Voilà une facette de la " révolte du proNétariat ", qui risque de ne pas plaire à tout le monde... Naturellement, ce processus n’est pas sans risques, et les dérives potentielles sont très fortes (populisme, manipulation des images, désinformation accrue...) mais le phénomène est inéluctable. A nous de trouver les garde-fous nécessaires pour minimiser les dérives potentielles. " Dixit Carlo Revelli, le fondateur d'Agoravox. " Les " pronétaires " constituent une nouvelle classe d’usagers des réseaux numériques capables de produire, de diffuser, de vendre des contenus numériques non propriétaires. Les pronétaires sont donc les citoyens qui sont sur Internet, qui sont favorables à son essor, et qui l’utilisent pour atteindre leurs objectifs, et surtout pour défendre leurs intérêts ainsi que leurs droits. "
« février 2006 | Accueil | avril 2006 »
Marx n'était pas Net |
Critique du livre par Bernard Lallement.
Depuis l’effondrement du mur de Berlin, nous avions pu croire la lutte des classes repliée dans les fantasmes des nostalgiques du grand soir. C’était compter sans l’imagination bouillonnante d’un Joël de Rosnay qui, dans son dernier livre (La révolte du Pronétariat – Fayard), écrit en collaboration avec un doctorant de Paris X, Carlo Revelli, entend lui donner une nouvelle jeunesse à l’aube du 21ème siècle.
Rosnay est, avant tout scientifique. Passé de l’Institut Pasteur à la Cité des Sciences, il croit mordicus à la révolution technologique, non sans, d’ailleurs, un certain émerveillement enfantin. Aussi, a-t-il placé son homme symbiotique au centre de la Toile pour en faire un prolétaire en 3D.
Les clivages de demain, et donc les enjeux de pouvoir, ne se feront plus, selon les auteurs, entre les détenteurs des moyens de productions et les travailleurs exploités, comme Marx l’avait pressenti, mais entre les mass médias (baptisées infocapitalistes) et les usagers d’Internet revisités par le néologisme de pronétaires.
Joël de Rosnay nous décrit donc l’évènement d’un monde fait de « micro libertés » où chacun maîtriserait d’autant plus l’information qu’il en serait, lui-même, l’émetteur. La formule pouvant se décliner jusqu’à créer une véritable économie virtuelle dans laquelle les échanges s’établiraient à prix coûtant. Une réminiscence de la Banque du peuple de Proudhon qui avait imaginer une organisation dans laquelle l’argent deviendrait inexistant et remplacé par un système d’échange entre comptes centralisés.
Mais, outre le raisonnement stimulant pour l’esprit, l’originalité de l’entreprise réside dans la volonté des auteurs de proposer un prolongement pratique de leurs réflexions, sorte d’expérimentation in vivo de leur théorie. Aussi, ont-ils créé un site dédié au « journalisme citoyen » : Agora Vox qui reprend, quelquefois, certains billets de ce blog.
L’intentionnalité de cette avant-garde du pronétariat est de donner la parole « à ceux qui ont des faits originaux et inédits à relater. » Elle est « en effet persuadée que tout citoyen est potentiellement capable d’identifier en avant-première des informations difficilement accessibles ou volontairement cachées et ne bénéficiant pas de couverture médiatique. »
L’idée n’est pas nouvelle. Pour tout dire elle fut à l’origine de Libération, en 1973… date de la création d’Internet, qui se voulait « renverser le monde de la presse quotidienne » et être « une embuscade dans la jungle de l’information. » Le seul professionnel de l’équipe était un journaliste venu de la presse hippique et, là encore, une innovation technologique permit de concrétiser nos intentions : la photocomposition, nous exonérant des contingences de l’impression au plomb et des contraintes exigées par le syndicat du Livre-CGT.
Citizen pronétaires
L’expérience
n’a duré que quelques années et le quotidien dut se résoudre à faire
montre d’un peu plus de professionnalisme, tout en gardant un style qui
a eu une influence considérable sur les autres médias.
En effet, il ne s’agit pas simplement d’être témoin, ou acteur, d’un évènement pour avoir la capacité, et le talent, d’en rendre compte. Par ailleurs, son importance, à nos yeux, ne justifie pas forcément qu’elle le soit, également, pour un public plus large. « Il y a incommensurabilité entre les essences et les faits » rappelait Sartre et notre propre conviction n’emporte pas vérité intangible.
D’ailleurs, notre père fouettard de la presse, l’excellent Daniel Schneidermann, n’a pas manqué de pointer son regard inquisiteur sur ce nouveau « journal citoyen » en fustigeant, de son martinet vengeur, quelques errances de nos Citizen pronétaires en herbes.
Certes, il ne faut pas oublier la jeunesse du projet et l’inexpérience des mass reporters. Mais l’amateurisme, qui en fait l’intérêt, n’explique pas tout, car il est des journalistes dûment encartés, y ayant trouvé refuge, qui sacrifient aux mêmes travers : prendre ses croyances particulières pour des réalités universelles. En l’occurrence considérer les casseurs de la Sorbonne comme les milices de Goebbels.
En définitive, l’écueil bute sur le sens.
« Ecrire est du sens » disait Claude Simon. De même que, pour Marx, un prolétaire n’est, en lui-même, qu’un petit bourgeois, un individu qui écrit suit un sort similaire : il est une individualité s’adressant à d’autres individualités. Il faut, pour accéder au signifiant un mouvement totalisateur, quelque chose qui transcende le factuel. L’histoire pour les marxistes.
La lecture d’Agora Vox montre une pullulation d’opinions sans grande cohérence apparente, même si nous devinons, à la recension des articles, un penchant certain de l’indicible comité de rédaction pour le Hight Tech et une appétence pour l’économie libérale.
Journaliste de soi-même
Il
n’apparaît pas l’émergence d’un rapport réellement innovant entre
l’information et les lecteurs, ni une volonté d’inverser l’ordre des
choses, voir de bouleverser les préjugés. Le conservatisme semble,
encore, avoir de beaux jours et la façon dont l’actualité est traitée
ne démontre pas un net démarquage avec celle émanant des infocapitalistes. La classe pronétaire
connaîtrait-elle aussi ses « social-traites » ? Le danger, en la
circonstance, est de pousser l’individualisme jusqu’à l’absurde :
devenir journaliste de soi-même ou, plus exactement, de son propre
imaginaire.
Pour Libération, le mouvement totalisateur est venu de la mise en perspective d’un fait face à l’Histoire doit il était issu, le tout au travers d’une vision dialectique du monde, lequel est tout sauf atone.
Ainsi, Joël de Rosnay remodèle-t-il le célèbre appel de Karl Liebknecht : « Pronétaires de tous les pays unissons-nous ! » Encore faut-il qu’il ne reste pas un vœu pieux, à l’image de la formule originelle. Car, une telle totalisation, qui ne peut être un totalitarisme, ne viendra pas d’Internet. Les internautes forment une biocoenose sans signification particulière, dont le seul vecteur commun est l’utilisation d’une même technologie, qui confine parfois à la glossolalie, ne pouvant être investie de quelque vertu ontologique. Heidegger, sur ce point, nous avait déjà mis en garde contre un monde arraisonné à la technique.
Nous ne sommes qu’au début d’une grande aventure dont l’ami Rosnay
décrit le prologue. Mais, au-delà des découvertes, et facilités,
permises par la science, c’est à l’homme qu’il reviendra de choisir son
destin entre l’existence de l’Etre, tendance Sartre, ou l’engluement du Néant, version Dantec.
mars 27, 2006 dans Revue de blogs | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack
« Pronétaires » de tous pays... |
Critique du livre par Pierre Assouline (Nouvel Obs).
Joël de Rosnay serait-il le Karl Marx de l'informatique ? Il prophétise le « grand soir » des médias...
Qui lance un mot lance une idée. En évoquant la «révolte du
pronétariat», Joël de Rosnay, avec le concours de Carlo Revelli, ne
crée pas qu'un néologisme : il tient que le bouleversement des mass
media engendré par la révolution informatique ne peut pas laisser
indemne notre vieille démocratie.
Il constate que nous sommes tous
des «pronétaires», car tous ou presque appelés à devenir et à demeurer des
usagers du réseau ; mais s'il n'évite pas la démagogie en appelant à s'unir
(air connu), il trouve dans la réalité des arguments convaincants à l'appui de
sa thèse. Il est vrai que l'e-journalisme fait évoluer un genre
traditionnellement proche du monologue (du haut vers le bas) en une sorte de
conversation assistée par la technologie, échange auquel participeraient sur un
pied d'égalité lecteurs, informateurs et, on allait les oublier, journalistes
professionnels. Il ne s'agit déjà plus de fournir des informations en général
mais des réponses à des demandes bien précises.
L'auteur est d'ores et déjà
convaincu, sans attendre d'en savoir davantage sur ce qui demeure encore des
inconnues (quid de la lassitude d'un internaute par rapport à un site ?),
qu'internet incarne un contre-pouvoir citoyen qui est une révolution en
soi : la gratuité relative de l'échange induit des modèles économiques
inédits qui ne peuvent reposer sur la seule logique du don ; la rapidité de la
diffusion, et son affranchissement des limites morales ou légales généralement
respectées par les autres médias, créent un concurrent dans le champ du
hors-piste ; enfin l'interactivité change radicalement les règles d'un jeu
pratiqué depuis Théophraste Renaudot, la rubrique « courrier des lecteurs » se
retrouvant propulsée en tête de toutes les pages.
Le
jour où un blog francophone publiera un scoop retentissant, les plus sceptiques
prendront l'habitude de s'attarder un peu plus sur leur écran, et les plus
sarcastiques s'achèteront un ordinateur. « Francophone » et non « français »
car l'e-journalisme a ceci de singulier qu'il s'exerce urbi et orbi. Dans
l'internet du futur, des milliards d'objets seront connectés entre eux mais nul
ne sait encore comment se transformera le réseau des réseaux : «Il s'agira
certainement d'une étape majeure de l'évolution de l'humanité, comme
l'émergence du web et la montée en pouvoir du pronétariat», estime Joël de
Rosnay.
Ses réflexions sont, après celles
de Jean-François Fogel et de Bruno Patino (« Une presse sans Gutenberg »,
publié chez Grasset), ce qu'on peut lire actuellement de plus stimulant sur le
sujet, étant entendu que la nouveauté de son développement et l'accélération
inouïe qui le caractérise nous réservent encore bien des surprises. Le chapitre
sur la dictature du pronétariatreste à écrire, mais qui osera ?
mars 23, 2006 dans Revue de presse | Permalink | Commentaires (2) | TrackBack
La révolte du " pronétariat " |
Par Pépites.
mars 17, 2006 dans Revue de blogs | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack
Pronétaires de tous les pays, unissez-vous... contre les abus des hot-lines ! |
Par Carlo Revelli
Nous disposons désormais d’un nouveau moyen pour faire face aux abus
des hotlines: Internet et les vidéos blogs. Cet article explique,
exemple personnel à l’appui, comment chacun d’entre nous peut agir
individuellement pour essayer de faire changer les choses en s’armant
d’une simple caméra, d’un peu d’ironie, et de beaucoup de patience...
Je suis sûr qu’un jour ou l’autre, vous avez déjà été «victime» d’un service clients (hotline) peu scrupuleux qui vous a gardé des dizaines de minutes au téléphone pour ne pas résoudre votre problème, et parfois en vous menant allégrement en bateau... La plupart des litiges sont occasionnés quand on a le malheur de devoir contacter le service clients d’un fournisseur d’accès à Internet, d’un cablo-opérateur ou d’un opérateur de téléphonie mobile...
Le problème des abus des hotlines payantes est un scandale qui a été dénoncé à maintes reprises par plusieurs associations de consommateurs, en particulier Que Choisir, ainsi que par de nombreux médias, tel le Journal du Net.
Depuis que j’ai lancé AgoraVox, parmi les articles qui m’ont le plus marqué, il y a sans aucun doute celui d’Alain Lambert, sénateur et ancien ministre du budget, qui relate ses mésaventures avec l’opérateur du câble Noos. J’ai été frappé par la démarché d’un sénateur qui, pour une fois, essaye de se mettre dans la peau d’un consommateur quelconque et essuie ainsi les plâtres cruellement... Force est de constater que même sa démarche, très originale et inédite, n’a pas rencontré le succès qu’il en espérait... D’ailleurs, il vient de résilier son abonnement, faute d’avoir réussi à régler son problème.
Après son article, j’ai pas mal échangé par e-mail avec Alain Lambert, qui m’a déclaré que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne voyait pas comment éviter une réglementation tant les opérateurs sont incorrigibles. Une phrase m’a beaucoup frappé: «Vous trouverez difficilement plus libéral que moi au plan économique, et pour que j’en arrive à penser à légiférer pour contenir leurs excès, c’est qu’il n’y a plus d’espoir. Le DGCCRF me le confirme régulièrement par mail. Il les voit chaque semaine, ils mentent, ne tiennent aucun de leurs engagements. Ce sont des marchands de soupe. Des bandits qui abusent de leur position».
Malgré mon inexpérience totale dans le domaine, je me suis donc amusé d’abord à enregistrer et ensuite à filmer d’interminables appels avec la hotline de Noos, juste pour montrer à quel point, de temps en temps, on nous raconte n’importe quoi, uniquement dans le but de nous faire attendre en ligne au lieu de résoudre nos problèmes. Et parfois même en mentant de manière flagrante, en disant l’inverse de ce qui est marqué sur le site Web de l’opérateur (lequel, hélas pour eux, est filmé en simultané...). Avec la mise en ligne de cette vidéo, nous lançons également un appel à d’autres témoignages qui iraient dans ce sens, car notre quotidien est jalonné d’abus ou de situations surréalistes plus ou moins graves qu’il faut dénoncer, sans toutefois tomber dans le populisme ou la démagogie.
Internet, les médias citoyens et la démocratisation des technologies rendent tout ceci extrêmement simple. Désormais, un simple néophyte avec un téléphone ou un caméscope peut enregistrer, filmer et mettre en ligne tout ce qui lui arrive. Des sites très innovants comme DailyMotion permettent même d’enregistrer en direct vos vidéos et de les exporter dans un format universel (flash).
Je n’ai rien contre Noos en particulier, même si, moi qui suis abonné depuis une décennie avec eux (monopole du câble oblige), on me traite parfois au téléphone comme un gamin de dix ans... Autrement dit, je ne pense pas qu’ils soient pires que les autres opérateurs. Il s’agit là d’un fléau généralisé et peut-être sciemment organisé.
D’ailleurs, l’anecdote qui me concerne n’a rien de vraiment scandaleux en soi. J’ai entendu des histoires mille fois plus graves que la mienne. Mais au moins, ce qui m’est arrivé permet de lancer le débat, et d’initier, peut-être, une nouvelle forme de protestation citoyenne.
En deux mots, un jour, j’ai eu la «folle idée» de vouloir les chaînes Noos sur un deuxième appareil TV... Naïvement, possédant déjà deux décodeurs mais une seule carte, j’ai cru qu’il me fallait demander simplement une deuxième carte. Pas du tout! Après d’interminables discussions (45 minutes de va-et-vient avec tous les services de Noos, que, hélas, je n’ai pas enregistrées), on m’explique d’abord que cela est possible mais uniquement en me rendant dans une agence. Ensuite, lors d’un deuxième appel, on me fait finalement comprendre que même si en théorie je n’ai besoin que d’une simple carte, en pratique je vais être obligé de louer un troisième décodeur et de payer l’intervention d’un installateur, malgré le fait que les deux décodeurs que j’ai marchent très bien, sans besoin de la moindre intervention. En appuyant sur le bouton vert "play" vous pouvez écouter quelques extraits "raccourcis" de l’enregistrement audio original (on peut avancer en bougeant la barre de défilement vers la droite). L’original complet est disponible à la fin de l’article (assez long en raison des interminables temps d’attente...).
EXTRAIT AUDIO DU 10/01/2006
Pris un peu en otage, et n’ayant d’autre choix que d’accepter, je me résigne au fait de devoir payer pour une intervention inutile et pour cet autre décodeur dont je n’ai pas besoin... Je m’apprête donc à effectuer mon troisième appel, deux jours plus tard, pour souscrire cet autre abonnement. Et là, surprise des surprises, on m’annonce que, malheureusement pour moi, les tarifs viennent tout juste de changer, et que ça va me coûter encore plus cher que prévu. Très étonné, j’ai le réflexe d’aller voir les tarifs sur leur site Web pendant la discussion, et je ne retrouve pas du tout ces nouveaux tarifs. Je le fais remarquer à mon sympathique interlocuteur, qui ne me croit pas. Je l’oblige alors à taper l’adresse de son site et à regarder l’offre qui est en ligne. Après de longues discussions, il ne trouve rien de mieux que de me raccrocher le téléphone au nez (pour voir la vidéo, cliquez sur la photo au format flash ou téléchargez le fichier wmv)!
EXTRAIT VIDEO DU 10/01/2006
Quand Noos me raccroche au nez (version courte)
Vidéo au format Windows Média Player
Morale: trois coups de fils interminables, pour un total
de 103 minutes, à 0,34 euros la minute, soit 35 euros, pour me faire raconter
n’importe quoi et pour qu’en plus on me raccroche au nez!
A ce stade, dans l’attente d’une législation qui, curieusement, tarde à voir le jour, la seule chose que nous puissions faire, je crois, c’est d’utiliser la technologie, et un peu d’ironie, pour montrer publiquement, de manière massive, ce que ces hotlines font subir quotidiennement à leurs clients chéris... C’est entre autres pour cette raison que nous venons de lancer AgoraVox Tv qui est une plate-forme de diffusion de vidéos citoyennes liées à l’actualité (interviews, reportages, manifestations, grèves, etc.). Le service vient d’être lancé et permet à tout un chacun de soumettre en quelques clics une vidéo de manière très simple.
Comme me le confiait récemment Alain Lambert, «la question des services clients par hotlines va devenir un des sujets majeurs de révolte des consommateurs dans les mois et années qui viennent».
Le terme révolte revêt une signification toute particulière pour moi depuis quelque temps...
Quand je pense à la révolte du pronétariat ou aux pronétaires en général, je n’ai pas du tout une vision théorique du phénomène. Comme le précise bien Joël de Rosnay dans l’ouvrage auquel j’ai collaboré, les pronétaires constituent une nouvelle classe d’usagers des réseaux numériques capables de produire, de diffuser, de vendre des contenus numériques non propriétaires. Les pronétaires sont donc les citoyens qui sont sur Internet, qui sont favorables à son essor, et qui l’utilisent pour atteindre leurs objectifs, et surtout pour défendre leurs intérêts ainsi que leurs droits.
Pour aller dans le même sens, et peut-être un peu plus loin, j’ajouterai que si les prolétaires, historiquement et étymologiquement, ne disposaient que de leur progéniture comme ressource (du latin «prole»), les pronétaires, eux, ne disposent que d’Internet et des outils de production numériques s’ils veulent se faire entendre...
Avec l’explosion du phénomène de la vidéo sur Internet, je pense que nous allons voir apparaître prochainement une nouvelle catégorie de vidéo-blogueurs que l’on pourrait appeler les "activistes" ou, si on veut enlever toute connotation politique, les "témoins citoyens". Il s’agit de tous ceux qui auront décidé de témoigner de certains dysfonctionnements graves de notre société en les filmant. Parfois, l’impact des images peut être bien plus percutant que celui de l’écrit. Vous avez beau décrire en long et en large que le système des hotlines payantes est inefficace et coûteux, si vous arrivez à le montrer avec une vidéo, l’impact peut être bien plus puissant.
Pour conclure, je pense qu’avec les vidéo-blogs, le phénomène de la vidéosurveillance va s’inverser. Jusqu’à présent, c’étaient les mairies et les magasins qui imposaient une vidéosurveillance, du haut vers le bas, afin de filmer les prétendus abus de leurs citoyens ou consommateurs. Maintenant, c’est l’inverse qui se produit. Avec leurs milliers de caméras, ce sont les citoyens qui décident d’aller filmer les conseils municipaux de leur ville pour témoigner des excès de certains hommes politiques, et les consommateurs feront de même avec des vendeurs peu scrupuleux. Voilà une facette de la "révolte du proNétariat", qui risque de ne pas plaire à tout le monde... Naturellement, ce processus n’est pas sans risques, et les dérives potentielles sont très fortes (populisme, manipulation des images, désinformation accrue...) mais le phénomène est inéluctable. A nous de trouver les garde-fous nécessaires pour minimiser les dérives potentielles.
Pour ceux qui n’ont pas peur de s’ennuyer, ou qui veulent vérifier les versions d’origine sans montage, voici les versions intégrales de l’appel du 10/01/2006 enregistré au format audio (mp3) ainsi que de l’appel du 12/01/2006 enregistré au format vidéo (flash et wmv):
ENREGISTREMENT AUDIO
COMPLET (10/01/2006)
ENREGISTREMENT VIDEO COMPLET (12/01/2006)
Quand Noos me raccroche au nez (version longue)
Vidéo au format Windows Media Player
Et pour vous montrer que Noos est loin d’être un cas isolé, une excellente vidéo (bien plus professionnelle que la mienne) qui concerne Wanadoo, réalisée par Julien Mabut (Jum Tv) et qui probablement attristera à nouveau le sénateur Lambert, puisque c’est son nouveau fournisseur d’accès à Internet...
Remerciements: l’illustration initiale, parue sur Les Echos, a été publiée avec l’accord de son auteur, le dessinateur Dimitri Champain
mars 16, 2006 dans Révoltes pronétaires | Permalink | Commentaires (2) | TrackBack
Le pronétariat qui se révolte fonde t-il les bases d'une révolution culturelle ? |
Critique du livre par Jean-Luc Grellier.
Ce billet vide qui doit traiter du livre "La révolte du pronétariat",
traine depuis des semaines dans mon blog alors je me lance... c'est
idiot car cela fait un moment que j'ai lu le livre de Joël de Rosnay et
Carlo Revelli... mais je vais essayer de faire fonctionner ma
mémoire... et mes notes. Aussi, si vous y voyez des inexactitudes ou
des erreurs, n'hésitez pas à m'insulter me corriger... et excusez-moi d'avance pour la longueur... un sacré coup de pelle.
Il s'agit comme me le demandait Hubert Guillaud, et comme le titre l'indique de faire une "critique" du livre "La révolte du pronétariat" que j'ai lu il y a un mois environ.
Tout d'abord, j'ai abordé ce livre en ayant bien conscience que Joël de Rosnay est pour moi, un spécialiste de la prospective technologique, en plus d'un homme que j'admire (ce qui va m'obliger à une certaine objectivité). Ce filtre m'a permis de garder, je l'espère, un certain recul par rapport aux différents contenus de ce livre.
Je vous livre ici les quelques notes (tel
quel) prises lors de la lecture de ce livre... (si je relève ces
quelques passage c'est bien sûr que je partage ces idées) : Voilà les quelques notes prises pendant la lecture de ce livre. Globalement je suis plutôt d'accord sur l'analyse de JdR, même si je
regrette un peu le trop d'opposition entre les médias traditionnels et
les pronétaires (ce commentaire était écrit juste après la lecture...
voir la suite pour plus d'infos)... car comme dans toute chose
naturelle, quand intervient un nouveau facteur ou corps étranger, il
faut du temps pour que tous s'adaptent ensembles et trouvent leur place
au sein d'un nouveau contexte, ou que "l'étranger" soit rejeté...
l'humain fait parfois preuve de capacités d'adaptation impressionantes,
et je ne doute pas que chacun trouvera sa place. Il est normal
qu'aujourd'hui ce soit encore le bazar... la phase d'observation est
juste passée, chacun teste l'autre et mesure ses forces. Les mass-média
vont finir par accepter et intégrer les médias des masses et nul doute
qu'une collaboration étroite pourra même être observée. Je n'y ai pas lu l'angélisme qu'a pu y lire Hubert Guillaud.
J'y voir plutôt du "réalisme corporatiste" (le mot est un peu fort mais
bon...), car enfin, si l'on se plonge dans ce qu'était internet à ses
débuts et que l'on observe ce qu'il est aujourd'hui, on est obligé de
constater d'une part sa capilarité grandissante, mais surtout son
impact sur la société. La vie de tous les jours des internautes est
bouleversée. Besoin d'un livre, d'un disque, d'un meuble, d'une pizza,
de parler avec un ami, de téléphoner, d'échanger des photos avec sa
famille, de s'informer etc. tout cela peut se faire via le Net. Mais
surtout aujourd'hui, le changement fondamental avec la démocratisation
d'internet c'est que l'utilisateur passe d'un état de consommateur à un
statut d'acteur ou "consommacteur". Il consomme de l'information mais
il participe aussi à enrichir celle-ci que ce soit à travers les blogs,
les forums, les wiki etc. Quand on regarde cela à l'échelle mondiale,
il est impossible de nier qu'il y a un impact réel sur notre société.
Son importance est aujourd'hui certaine, la mesurer reste impossible.
En effet, comment mesurer l'influence des internautes sur la société
sans des exemples précis qui demandent un peu plus de recul ? On a
coutume de dire actuellement que les élections de 2007 en France seront
un test grandeur nature sur ce sujet et je partage cet avis, d'ailleurs
les mouvements constatés des uns et des autres autour de la blogosphère politique ne viennent-ils pas donner un début de réponse ? Là où émerge un doute dans mon esprit c'est quand je mesure que seule une partie de la population mondiale a accès à internet. Est-ce à dire que tout le monde n'influera pas sur la société de demain, sur son avenir ?
Dès lors quel modèle sera le bon ? Ne risque t-on pas de créer une
société à plusieurs vitesses ? N'est-ce pas un risuqe de créer une
sorte de "colonisation numérique" ? Encore une fois il faut lire se livre avec des filtres, et à mon
avis ces filtres sont disponibles seulement chez les "geek" du réseau,
autrement dit chez les initiés. Dès lors on peut se forger à l'aulne de
sa propre expérience une vision de ce que nous avance JdR. Vision que
je ne trouve pas partisanne, ou par trop positive. Il met bien en
balance les risques que comportent les médias des masses, tant en terme
de désinformation, que d'atteinte à la vie privée etc. La
lutte qu'il décrit concernant les infocapitalistes et les pronétaires,
que je trouvais moi aussi un peu exacerbée, ne vient-elle pas de
trouver un formidable écho à travers la DADvSI ? Les arguments présentés reflètent bien le caractère
technologue humaniste (ce n'est pas moi qui le dit, mais lui...). Il ne
dit jamais que la technologie va changer la société, mais que c'est la
réappropriation des technologies par les hommes en fonction de leurs
besoins, de leur désirs et de leurs fantasmes qui le fera. En cela,
l'évolution même de notre société depuis la préhistoire lui donne
raison, la massue étant certainement la première technologie qui permis
à l'homme d'évoluer, puis le feu, les outils etc. La différence avec
internet, c'est que nous ne parlons pas d'un outil matériel, mais d'un
organisme "vivant" qui se développe de façon "chaotique et foisonnante,
comme la vie elle-même". Si je devais formuler une critique sur ce livre ce serait simplement
sur le choix du mot pronétaire... bien trop identifiable à
prolétaire... même si l'intention était de provoquer.
mars 16, 2006 dans Revue de blogs | Permalink | Commentaires (1) | TrackBack
"Le pilotage de l'informatique par le cerveau est déjà une réalité" |
Chat avec Joël de Rosnay (Journal du net).
L'entrepreneur nous brosse sa vision des grandes mutations technologiques actuelles. Droit d'auteur, mutation des médias, biotique, biométrie... Passe en revue les grandes questions du moment en rapport avec son dernier livre : La révolte du pronétariat.
Propos recueillis par Antoine Crochet-Damais .
L'entrepreneur nous brosse sa vision des grandes mutations technologiques actuelles. Droit d'auteur, mutation des médias, biotique, biométrie... Passe en revue les grandes questions du moment en rapport avec son dernier livre : La révolte du pronétariat.
Dans votre livre, qui désignez-vous par "infocapitalistes" et "pronétaires" ?
Joël De Rosnay.
Les pronétaires, mot formé à partir de ceux qui sont pour et sur le Net, sont capables de produire des contenus numériques en compétition avec les professionnels. Ils défient ainsi les pouvoirs industriels traditionnels. Ceux des majors de la musique notamment, ceux que j'appelle les "infocapitalistes" parce qu'ils sont propriétaires des contenus, des droits de diffusion et des grilles de programme.
La lutte des classes aujourd'hui, êtes-vous sûr ?
Non, j'ai choisi ce terme et ce titre de manière à provoquer le débat. Le rapport de force entre pronétaires et infocapitalistes n'a que peu de choses à voir avec la lutte des classes décrite par Marx au sens économique et conduisant à des enjeux vitaux.
Comment s'est réparti votre travail avec Carlo Revelli sur ce livre ?
|
J'ai eu l'idée du livre. J'ai rassemblé toute la documentation, écrit les trois quarts du livre. La collaboration de Carlo Revelli a principalement porté sur la partie concernant AgoraVox et les techniques de push et de pull pour obtenir de l'information ainsi que sur les méthodes de veille.
Vous parlez de veille intelligente. Comment la mener ?
Face à l'infopollution, c'est-à-dire à la pléthore d'informations, nous devons tous filtrer, sélectionner, rendre pertinente l'information. Il existe pour cela des méthodes, des logiciels, des moteurs de recherche, des forums d'échange. C'est ce que, avec Carlo Revelli, nous avons essayé de synthétiser dans la démarche de la société Cybion.fr que nous avons créée il y a presque une dizaine d'année.
Parmi vos autres sujets de prédilection : la biotique... Où en est-on aujourd'hui ?
D'abord, pour en savoir plus sur ce thème, je vous propose de visiter mon site Web : www.derosnay.com et de taper dans "articles" le mot clé "biotique". Je rappelle qu'il s'agit du mariage de la biologie et de l'informatique pour favoriser les interfaces homme / machine et des circuits électroniques moléculaires pour les ordinateurs du futur. Ces recherches explosent actuellement dans des dizaines de laboratoires dans le monde en particulier grâce à l'essor des nanotechnologies.
"Potentiel du Web 2.0" : peut-être vaudrait-il mieux, tout d'abord crever la baudruche qu'est cette appellation sans fondation, non ?
Je suis d'accord avec vous, c'est un terme marketing pour les sociétés de logiciel et de matériel, je préfère penser à la réappropriation du Web par les pronétaires ! Appelez-le "notre Web" si vous le voulez plutôt que Web 2.0 !
Une nouvelle bulle est-elle en train de se créer ?
C'est possible mais elle pourrait très bien ne pas exploser.
Quelles sont les cybertribus dont vous parlez dans votre livre ?
Ce sont tous les groupes qui se constituent à partir de la blogosphère : amateurs de musique, d'art, de voyages, de livres, de technologies. Il me semble que plus le monde se "mondialise", plus il se "tribalise".
Ce qui va à l'encontre des prédictions du début des années 1990 selon lesquelles le Web serait une immense machine à homogénéiser. Aujourd'hui, on observe tout le contraire. D'où les tribus auxquelles nous appartenons tous désormais, quels que soient nos fonctions et rôles dans les différentes couches de la société.
Qu'est-ce que vous appelez la "nouvelle nouvelle économie" ?
L'économie traditionnelle s'est fondée sur la gestion de la rareté. D'où l'invention des économies d'échelle permettant la production de masse à partir d'usines centralisées, fabriquant des produits standards et distribués en masse tout en étant soutenus par une publicité de masse. Depuis 50 ans, nous vivons sous le pouvoir des mass media : TV, radio, édition, téléphonie, publicité.
Avec la société du numérique, tout change. Les pronétaires sont dotés d'outils numériques de production professionnelle : musique, vidéo, texte. Les économies d'échelle se transforment en diffusion de masse de produits numériques qu'on appelle des plates-formes, comme par exemple Netscape ou Explorer. La valeur ajoutée naît du partage massif de telles plates-formes. La nouvelle nouvelle économie va donc naître à partir de flux massifs sur des sites gratuits, intéressants et "fun", à partir desquels il sera possible de vendre des services personnalisés à très bas prix.
Les consommateurs satisfaits en parleront, c'est le buzz (bouche à oreille). D'où mon équation : Flux + Buzz = Bizz (business). En d'autres termes, il vaut mieux vendre 10 centimes d'euro un produit à 10 millions de personne avec 90% de marge (ce qui fait 900 000 euros) que 10 euros à 10 000 personnes avec 30% de marge en raison des coûts d'investissement et de marketing, ce qui ne fera que 30 000 euros. Voilà la base de la nouvelle nouvelle économie.
Croyez-vous que l'on puisse "échapper" à ce pouvoir des mass media ?
Un des moyens d'échapper au pouvoir des mass media est de renforcer celui des médias des masses, par notre contribution à tous. Permettez-moi d'ajouter, en paraphrasant une formule célèbre : "pronétaires de tous les pays, unissez-vous !"
Avec Agora Vox, vous mettez en péril le journalisme "traditionnel"...
Je le pense pas. Le journalisme traditionnel va devenir complémentaire du journalisme citoyen. Chacun a besoin de l'autre. On assiste déjà à des collaborations entre de grands médias et des journalistes amateurs faisant partie de ce que j'appelle "le néo-journalisme collaboratif".
Ce type de journaux en ligne ne tuera pas la presse traditionnelle qui bénéficiera toujours de sa marque, de la confiance des lecteurs, ses références et sa capacité de médiation.
Va-t-on assister à un éclatement des grosses chaînes de medias ? Aux Etats-Unis, Murdoch rachète les blogs autant que les journaux ?
C'est tout à fait possible. On va assister à une production décentralisée. Ce qui est de bonne augure. Les monopoles sont ébranlés, les structures pyramidales aussi. Tant mieux pour l'avènement des réseaux collaboratifs d'intercréativité.
Quelles sont, d'après vous, les initiatives les plus pertinentes en ce qui concerne le développement des nouvelles technologies ouvertes à tous ?
Les logiciels libres évidemment, la téléphonie gratuite - de type skype.com -, la télévision en P2P utilisant les logiciels comme BitTorrent pour télécharger des séquences vidéo, les licences de type "
creative commons
" pour échanger gratuitement des oeuvres numériques...
Des logiciels comme Typepad ou Movable Type également, pour faciliter l'usage des blogs. Les logiciels de podcasting pour diffuser des interviews ou de la musique. En résumé, tous les outils logiciels ou matériels qui favorisent l'essor des médias des masses et l'intercréativité.
Est-ce que demain, le cerveau pourra piloter un ordinateur directement ?
C'est déjà le cas. Des chercheurs ont connecté des neurones en culture avec un programme
flight simulator
et ont permis de maintenir l'assiette de l'avion par reprogrammation bio-informatique en quelque sorte. Michael Nicolelis, de la Duke University, a connecté le cerveau d'un singe à un bras robotique, placé à 1 000 kilomètres, permettant à ce singe de saisir, par la pensée, des fruits se trouvant devant la caméra de télévision qui renvoyait une image couleur sur l'écran placé en face de lui.
De nombreuses expériences de ce type ont été réalisées dans le monde. Elles offrent beaucoup d'espoir pour les handicapés en leur permettant de contrôler leur environnement. Mais elles sont aussi lourdes de menaces car elles intéressent bien entendu les militaires et pourraient conduire, si on agissait de l'extérieur vers le cerveau, à une manipulation du corps humain.
En résumé, ces techniques très avancées, sont désignées sous le terme général de BMI - Brain Machine Interface - ou BAT - Brain Activated Technology . Faites une petite recherche sur Google pour en savoir plus à partir de ces mots clés ou lisez les extraits de mon livre "l'homme symbiotique - 1995 Edition du Seuil" sur www.derosnay.com "livres".
Comment observez-vous la tendance en faveur de la convergence des canaux de communication et informatique ?
J'étudie cette convergence depuis plusieurs années. Il ne s'agit pas seulement de la convergence liée au numérique mais aussi de celle attachée à des modules physiques s'interconnectant les uns avec les autres.
Par exemple : un senior sous surveillance médicale peut porter une veste dotée de bio-capteurs permettant de mesurer certains paramètres physiologiques. Ces données sont transférées par Internet, par Bluetooth ou Wi-Fi ou même par un téléphone portable. Si cette personne a un accident dans un jardin ou sur une route isolée, le repérage de sa position par GPS permettra à l'ambulance de la secourir.
Voici donc une convergence entre des capteurs biologiques, des wearables - vêtements constitués de tissus intelligents -, des portables ou émetteurs récepteurs sans fil, des satellites de géolocalisation, des réseaux Wi-Fi, etc. Voilà ce que j'entends par la convergence de modules physiques interconnectés dans un système de communication intégré.
Signification du terme "biotics" ?
J'ai formé le terme biotics à partir de "biologie" et "informatics", traduction de "informatique" en anglais. J'avais d'abord proposé dans plusieurs articles écrits entre 1982 et 1984 le terme BIOTIQUE pour illustrer ce mariage improbable à l'époque de la biologie et de l'informatique. Voir la section consacrée à ce thème sur mon site avec une bibliographie à jour.
La société de conseil que j'ai créée et qui s'est spécialisée dans la prospective sur les nouvelles technologies - bio, info, éco et nano - porte le nom de Biotics.
Quel est votre rôle auprès du directeur de la Cité des Sciences ?
Je suis le conseiller du président de la Cité des Sciences et de l'Industrie, après en avoir été pendant plusieurs années le directeur, notamment du développement et des relations internationales, puis de l'évaluation et de la prospective.
Mon rôle consiste principalement à réfléchir aux nouveaux thèmes d'expositions, à contribuer à la communication de la Cité vers l'extérieur, à entretenir des relations institutionnelles avec nos grands partenaires et à intervenir régulièrement comme conseiller scientifique ou conférencier sur les grands sujets de société qui intéressent le personnel de la Cité et ses visiteurs.
Sur quels projets d'exposition travaillez-vous actuellement avec la Cité ?
Nous fêtons notre vingtième année d'existence, pendant lesquelles nous avons accueilli 60 millions de visiteurs. Nous recevons 3,5 millions de visiteurs par an. Nous avons battu tous les records de fréquentation en 2005 grâce à des expositions comme Crad'Expo ou Star Wars.
Nous avons actuellement une gamme d'expositions variée : l'ombre à la portée des enfants (une sorte de maison hantée expliquant le rôle de l'ombre dans notre vie), biométrie (de l'empreinte à la lecture de l'iris et bientôt à l'ADN), le verre dans l'empire romain, les risques sismiques dans les tremblements de terre et les tsunamis. Nous ouvrirons très prochainement une exposition sur l'eau, une autre sur l'environnement et les ressources renouvelables...
Que pensez-vous du "débat" actuel sur le droit d'auteur ?
Il relève d'un monde qui n'est plus le même. Le passage de l'univers des objets à celui du numérique change radicalement les "règles du jeu", économiques et juridiques. 230 ans après Beaumarchais, il nous faudrait un Beaumarchais du numérique. Nous changeons d'échelle. Ce qui s'appliquait à des centaines de consommateurs de CD sous copyright doit être transposé à des dizaines de millions de téléchargeurs afin de reconnaître aussi leurs droits et leurs obligations.
N'oublions pas l'équation Flux + buzz = Bizz. Le P-DG d'un major de la musique a dit (le Monde du 7 mars 2006) : "Non, le Net ne tuera pas les Labels". Il voulait dire par là que, alors que son marché il y a quelques années reposait sur des CD, des cassettes vidéo et audio, et plus récemment des DVD, le marché d'aujourd'hui se développe sur une multiplicité de produits et de services associés, mêlant, le gratuit, le payant à bas prix, le payant à prix fort, et comprenant des téléchargements payants, des sonneries de téléphone, des jeux vidéo, des tournées, des concerts, du marketing et du sponsoring intéressant des industriels, etc.
Les gouvernements devraient plus se préoccuper de "catalyse" que de répression. A savoir, accompagner un mouvement irréversible, le laisser se stabiliser, et réglementer modérément, plutôt que de légiférer dans l'angoisse des nouvelles technologies. Souvenons-nous du disque vinyle et de la radio, les producteurs de disque étaient contre la diffusion de la musique par les radios, c'est maintenant une des plus grosses sources de leurs revenus.
Souvenons-nous de Hollywood et de la télévision refusant la licence de leur film sous prétexte que si les gens voient les films à la télé, ils n'iront plus dans les salles. Souvenons-nous enfin des maisons d'édition et de photocopieurs, ils allaient tuer le livre ! Rien de tout ceci ne s'est produit. Pas de loi donc dans l'angoisse des nouvelles technologies, pas de loi sous la pression des industriels, les pronétaires sauront rappeler les erreurs commises dans le cadre d'une répression disproportionnée par rapport aux enjeux de la civilisation du numérique.
Qu'en est-il des technologies biométriques, jusqu'où pouvons nous aller ?
Les technologies biométriques telles qu'elles sont actuellement exposées à la Cité des Sciences reposent traditionnellement sur l'empreinte digitale mais, plus récemment par exemple sur la structure de l'iris, la forme des oreilles, le dessus de la main voire la signature électronique. Mais d'autres technologies existent notamment sur la reconnaissance de la voix, d'un visage ou de l'odeur du corps.
Les ordinateurs très puissants aujourd'hui peuvent dans un temps très bref comparer les traits d'un visage à des informations stockées dans des bases de données, des nez artificiels détecter l'odeur caractéristique de chaque personne (résultant de son alimentation, de ses produits de toilette ou cosmétique) ou encore les caractéristiques de sa voix.
Mais attention, de nouvelles techniques vont entrer en jeu, encore plus indiscrètes. En effet, en marchant, nous laissons derrière nous des poussières, des cheveux, des pellicules, des squames, à partir desquels des prélèvements d'ADN peuvent identifier un individu sans qu'il s'en doute.
Big Brother est déjà parmi nous ! La biométrie, peut avoir de grands avantages pour la sécurité ou contre le terrorisme mais conduire à une société de "flicage" permanent où la traçabilité permettra de suivre les individus dans leurs démarches les plus courantes. La vigilance s'impose et donc l'information qui constitue la base de la prise de responsabilité. C'est notre mission à la Cité des Sciences en présentant ce type d'exposition.
Avez-vous un blog ?
En réponse à de nombreuses questions sur mes derniers livres, voici leurs blogs : pour le livre sur la longévité écrit avec J.L. Servan-Schreiber et F. de Closets ("Une vie en plus", Edition du Seuil, 2005), le blog est www.unevieenplus.com.
Pour la révolte du pronétariat, Des mass media aux médias des masses, le blog est www.pronetaire.com. Le journal citoyen en ligne est www.agoravox.com. Je n'ai pas de blog personnel et n'en ferai pas pour le moment, je suis satisfait avec mon site traditionnel www.derosnay.com que je mets régulièrement à jour.
Joël De Rosnay : Merci à tous pour ces intéressantes questions, rendez-vous sur les blogs pour continuer le dialogue.
mars 16, 2006 dans Revue de presse | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack
La révolte du pronétariat, de Joël de Rosnay |
Critique du livre par Hélène.
Dans cet ouvrage, Joël de Rosnay propose une vision de la transformation qui s'opère dans la société contemporaine au travers de l'interactivité du web, et plus particulièrement de la modification des rapports aux médias. Hier "mass media" tels la télévision, avec ses messages délivrés par un émetteur unique vers des millions de téléspectateurs. Aujourd'hui, et surtout demain, grâce aux blogs, wikis, et autres sites de journalisme collaboratif, émis par "les masses pour les masses". En poussant un peu plus loin le raisonnement, le web pourrait permettre l'émergence d'une intelligence collective, qu'il s'agisse de co-développer nos applications de demain, ou de partager la connaissance.
Joël de Rosnay nous précise qu'il a souhaité valoriser les pans positifs de ces évolutions technologiques, et du courant participatif qui semble en effet émerger ces dernières années. Cependant, il me semble que faire l'économie "du versant noir de la force", c'est amputer la valeur du livre et le raisonnement du lecteur.
En tant que chercheur, on s'attendrait à une plus grande rigueur méthodologique. L'observation des tendances de fond de la société ne s'analyse pas seulement au travers des thèmes à la mode dans les médias, les "blogs de geeks", et autres initiés des nouveautés technologiques du moment. Il manque à la fois un enracinement historique, une analyse sociologique et une vraie prospective économique, qui pourraient nous permettre de mieux situer la tendance, d'évaluer s'il s'agit d'un épiphénomène ou d'un bouleversement de fond de la société contemporaine.
Si j'adhère assez bien à l'idée d'écosystème, et de sélection darwinienne des nouvelles applications du web 2.0 qui naissent quasiment chaque jour sur le web, je suis nettement plus mitigée sur nombre d'autres points.
Je m'attacherai plus particulièrement à l'analyse du modèle économique. Apparemment gratuit pour les utilisateurs, il est essentiellement basé sur la construction d'audiences monétisables, revendues aux annonceurs publicitaires. Ceci a des conséquences en matière de liberté d'expression et d'information.
Ce principe pousse à la concentration, que l'on peut déjà voir à l'oeuvre au travers des nombreux rachats de start-ups par Yahoo!, ou par des grands groupes de presse, tels Rupert Murdoch avec MySpace. On peut légitimement se demander ce qu'il en sera demain des "espaces de liberté". L'attitude de Google en Chine, si décriée dans les médias ces derniers temps, est emblématique de ce qui peut se passer : que l'opinion publique manque de puissance dans un pays à la démocratie douteuse, et la liberté disparaît.
Concernant plus précisément les blogs, si quelques uns commencent en effet à émerger en termes d'audience, il ne faut pas se faire d'illusion : il y aura peu d'élus. Parce qu'il faut du temps (et des compétences) pour écrire un bon blog et l'alimenter régulièrement. Parce qu'il faut du temps pour lire, et que les internautes se concentreront sur quelques blogs et sites, ceux-là même dont parlent... les grands médias. Voir par exemple l'excellent blog de Jean-Michel Billaut dont les audiences ont bondi... juste quand Le Monde s'est mis à en parler. D'autre part, les systèmes de tags et de notation divers permettant aux internautes d'indexer des contenus concentrent également les audiences, comme le fait le Page Rank de Google. En conclusion, peu seront ceux qui pourront en tirer profit, sauf peut-être pour renforcer leur crédibilité dans leur environnement professionnel. Mais en aucun cas le moyen de se passer d'un salaire dans un job bien réel... comme c'est le cas d'ailleurs également pour les écrivains qui publient des livres de papier : seuls une vingtaine en France peuvent vivre exclusivement de leur plume.
Par ailleurs, au moment où tous les grands journaux réduisent drastiquement le nombre de journalistes (voir tous les récents conflits de presse, et souvenons nous que TF1 n'a plus que 4 ou 5 envoyés permanents à l'étranger), et où tous les journaux recopient les dépêches de 3 ou 4 grandes agences, Joël de Rosnay rêve que les bloggeurs de tous les pays pallient ces carences, en rendant compte de ce qui se passe près de chez eux. OK, l'idée est belle. Mais je suis toujours sceptique lorsqu'il s'agit de remplacer des compétences professionnelles (même si nous les trouvons régulièrement défaillantes) par des amateurs. Comment rendront-ils compte de l'information ? Comment la recouperont-ils ? Comment saurons nous "d'où" ils parlent, quelles idées ils défendent, en l'absence de toute "enseigne" de presse pour donner une indication sur leur ligne éditoriale ?
Quant à ceux qui développent ces fameuses applications du web 2.0, Flickr et autres del.icio.us, les meilleurs en effet s'en sortent... en se vendant aux grands groupes, et en perdant aussi leur liberté. Certains sans doute la reprendront pour recréer ailleurs de nouvelles applications plus innovantes encore. Pendant ce temps, combien de développeurs n'ont pas touché un cent en contrepartie des lignes de codes qu'ils ont mises à la disposition des utilisateurs ? Et si les grands groupes préfèrent acheter des start-ups que de développer leurs applications "maison", c'est évidemment parce que ça leur coûte moins cher. On ne paie que ce qui marche, pas le risque pris par ceux qui ont débroussaillé pour d'autres sans connaître le succès. Globalement, ce nouveau mode de fonctionnement est destructeur de valeur, parce qu'il remplace des services payants par des services "gratuits", et parce qu'il ne paie pas la R&D. En exacerbant la compétition de la sorte, et en en faussant les règles du jeu, on accroît à terme les inégalités, et on laisse "sur le carreau" des gens dont le travail était rémunéré dans les systèmes précédents. Personnellement, je ne crois pas à la théorie de "la main invisible". Elle ne profite qu'aux nantis.
L'intelligence collective ? Oui, elle pourrait fonctionner efficacement... si on la laissait faire. A titre d'exemple, on peut constater que les réseaux de communication les plus robustes sont... ceux des fourmilières, suivis de près par les villes médiévales, les médinas et les bidonvilles. Toutes constructions qui ne sont organisées par aucun "grand architecte". Dès que vous mettez un urbaniste ou n'importe quel chef dans le coup, ça se gâte... Dans le monde d'Internet, il y en a déjà qui ont les moyens de jouer aux "grands architectes" et de gâter le travail !
Comme
d'habitude, voici quelques liens pour lire d'autres critiques... et
même un lien pour acheter le bouquin, si je ne vous ai pas découragé !
Hubert Guillaud d'InternetActu est assez critique, et Joël de Rosnay lui répond en commentaire. Le Point propose deux critiques, celle d'Eric Dupin, et celle de Claude Allègre, qui en fait le point de départ d'un intéressant débat sur la gratuité, qu'il faudrait ma foi poursuivre, c'est d'actualité.
L'endroit où vous trouverez le plus de critiques... c'est sur le blog "La révolte du pronétariat" ouvert pour accompagner la sortie du livre. Le Journal du Net propose la retranscription d'un chat avec l'auteur.
mars 15, 2006 dans Revue de blogs | Permalink | Commentaires (2) | TrackBack
"Pronétaires de tous les pays..." |
Interview de Joël de Rosnay par Michel Vagner (Est Républicain).
Download itw_estrepub_130306.pdf
mars 13, 2006 dans Revue de presse | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack
La révolte des pronétaires |
Par Marketing client multicanal.
e suis en train de terminer l’excellent
livre de Joël de Rosnay, « la révolte du pronetariat ». Je le conseille
à tous ceux qui désirent comprendre les enjeux de la révolution de
velours que nous vivions actuellement. Docteur es sciences et ancien
chercheur au MIT, Joël de Rosnay explique comment les nouvelles
technologies vont bouleverser notre manière de communiquer, de gérer la
société et de faire de la politique (dans le sens noble du terme…). La
thèse principale du livre est que nous passons de l’ère des média de
masse à l’ère du « média des masses ». Internet, via les blogs, les
wikis ou le Peer to Peer, donne à chacun la possibilité de communiquer
avec une puissance extraordinaire. Cette puissance va directement
concurrencer les media de masse traditionnels et introduire de
profondes évolutions sociétales : accès gratuit à l’information,
apparition d’une démocratie plus participative, avènement de
contre-pouvoir citoyen, consumérisme interactif… De fait, internet rend
possible l’émergence d’une véritable intelligence collective dans
laquelle de nouvelles règles sont à imaginer (notamment en marketing !).
Si la thèse n’est pas vraiment nouvelle (Pierre Lévy défendait cette thèse il y a déjà 10 ans), de Rosnay montre bien comment ce processus est aujourd’hui en train de se réaliser !
mars 13, 2006 dans Revue de blogs | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack
Des séries TV bientôt en libre téléchargement grâce à la publicité |
Par Adrien.
[...]Dans leur ouvrage "La révolte du pronétariat", Joël de Rosnay et Carlo Revelli décrivent parfaitement bien le passage bénéfique de la macro à la micropublicité. "Mieux vaut investir dans une publicité ciblée garantissant un rendement important sur une série de niches plutôt que d'arroser massivement les foyers, juste avant le journal télévisé de 20 heures ou une émission en prime time, avec un spot qui sera noyé dans une marée d'autres spots vantant les mérites de dizaines d'autres produits", notent les auteurs. Mais surtout, le budget publicitaire de la vidéo sur Internet est encore minime par rapport aux sommes colossales investies dans les publicités TV. "Aujourd'hui, la publicité en vidéo sur Internet représente pour les annonceurs un budget global de seulement 198 millions de dollars, ce qui financerait à peine un jour et demi de pubs télévisées classiques, lesquelles représentent un montant total de 48 milliards de dollars !", expliquent MM. de Rosnay et Revelli.[...]
mars 10, 2006 dans Revue de blogs | Permalink | Commentaires (0) | TrackBack