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Eloge de la méfiance : apprendre à vivre entre vérité et mensonge... |
En raison du « bombardement informationnel » que nous vivons tous les jours, il est plus que jamais indispensable d’exercer la plus grande prudence vis-à-vis des informations que l’on nous communique, même si celles-ci proviennent de sources proches ou fiables. En effet, en dehors des cas de manipulation flagrante ou volontaire, personne n’est à l’abri d’informations fausses, même si elles paraissent vraisemblables. La prolifération des médias et des sources d’information, ainsi que la difficulté liée au processus de « fiabilisation », font que désormais n’importe qui, même en toute bonne foi, peut-être un vecteur de désinformation.
Avec les informations colportées par Internet, le phénomène a atteint son paroxysme. Idéalement il faudrait être « méfiant » vis-à-vis de toute information disponible sur le Web et disposer d’outils et de méthodes pour en vérifier la fiabilité et la pertinence. Ceci n’est pas toujours ni réaliste ni réalisable. La profusion d’informations actuelle est telle que personne n’est réellement en mesure de vérifier l’authenticité des faits et des événements.
Quand un fournisseur annonce, par exemple, qu’un produit n’existe plus, il ne dispose pas toujours du temps ou de la motivation pour vérifier ses dires. De la même manière, si un revendeur informatique annonce que telle carte vidéo est incompatible avec votre ordinateur, il est nécessaire de s’en assurer sur Internet. Les combinaisons informatiques étant quasiment infinies il est souvent impossible d’asseoir de telles informations sans vérifier.
Au-delà des entreprises, ce qui va donc révolutionner les comportements individuels sur Internet, c’est justement cette « attitude de veilleur ». Elle consiste à garder les yeux ouverts pour se cultiver et s’enrichir à tout niveau : que ce soit pour dénicher une information inédite, vérifier une rumeur, enrichir ses connaissances, forger ses croyances, comparer les prix d’un livre, identifier le chirurgien qui a mis en place la dernière technique pour soigner une maladie rare...
Cela dit, avoir un accès illimité aux informations ne signifie pas pour autant « disposer d’un accès automatique au savoir » et, par conséquent, cela n’entraîne pas à coup sûr un « enrichissement personnel ».
Ce billet est dédié à la mémoire de mon père qui me répétait sans cesse deux dictons italiens qu’à tort je n’ai jamais trop crus de son vivant : « fidarsi è bene, non fidarsi è meglio » (« faire confiance c'est bien, ne pas faire confiance c'est mieux »), « Ricordati che in questo mondo, ci sono due tipi di persone : quelli che ti fregano, e quelli che si fanno fregare… Cerca di non farti fregare troppo… » (« Rappelle-toi que dans ce monde, il y a deux types de personnes : ceux qui t’arnaquent et ceux qui se font arnaquer… Essaie de ne pas trop te faire arnaquer… ») :-)
janvier 27, 2006 dans Pourquoi ce livre | Permalink
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Commentaires
Baya, le 09/01/2005
Les Internets.
Marc Halévy - van Keymeulen
Président du Groupe Maran et de Prospective Noétique
Auteur de "L'âge de la connaissance - la révolution noétique" (M2Editions-2005)
[email protected]
Internet est une merveille. Mais comme la Nature, il est pollué, saccagé et pillé par la bêtise humaine.
En lisant le livre "2010 Futur virtuel" de Malo Girod de l'Ain (M2 Éditions), je découvre une immense erreur de perspective.
On y dit que l'Internet inaugure une intelligence collective décuplée, une créativité humaine globale accélérée, une démocratisation positive de la connaissance, etc …
Le problème est mal posé.
Aujourd'hui, en fait d'intelligence collective, suite à cinq siècles de lobotomisation moderniste et à l'impasse irréductible des systèmes éducatifs publics et laïcs, il y a plutôt crétinisation collective : l'usage premier d'Internet est les jeux vidéo ("panem et circenses" reste l'axe de la réalité humaine, politique et sociale) et les sites de sexe (Freud aura donc finalement raison) ; l'usage premier des courriels est le colportage de "blagues" ineptes et de spams (seuls 3% des courriels reçus ont, en moyenne, une utilité réelle pour celui qui les reçoit … mais il faut parcourir les 97% restants pour les y trouver) ; l'usage premier du GSM et des SMS est la "communication" vide et débile entre ados démangés de la braguette ou en quête de personnalité remarquée faute d'être remarquable. L'immense majorité des sites, blogs, forums, courriels et autres sont d'une navrante imbécillité qui ne contribue en rien à l'avancement de l'humanité vers son accomplissement intellectuel et spirituel.
La limite d'Internet
Une des grandes limites de la toile est son démocratisme. N'importe qui peut y balancer n'importe quoi (spam, blog, site, etc …) en toute illégitimité.
Là se cache la source d'une énorme pollution de cet outil immense et magnifique malheureusement envahi par la médiocrité ambiante. Pollution étouffante et délétère s'il en est.
Combien de sites ineptes ou vulgaires ou nuisibles ou narcissiques ou nombrilistes ou bêtement mercantiles ? Combien de courriels inutiles, stupides, publicitaires ou "humoristiques" ? Combien de blogs et forums pour débats stériles et ignares entre analphabètes anonymes ?
Les forums et autres blogs donnent l'illusion d'être intelligents à une masse de gens qui profitent de l'anonymat de la toile pour donner leur avis sur tout et n'importe quoi, en toute ignorance voire imbécillité.
Il existe une tranche de gens, aujourd'hui, qui croit que "discuter" dispense d'apprendre et de penser : on fait de la connaissance comme au "café du commerce". La connaissance est pourtant, tout au contraire, un apprentissage difficile, lent et solitaire. Je ne crois pas aux vertus du dialogue et de la discussion : la méthode socratique qui a infesté toute l'histoire de l'occident et de la modernité est une impasse qui mène à des arguties oiseuses et formelles où la brillance et l'habileté sophistes remplacent le réel travail d'investigation. Il faut tuer Socrate avec le marteau de Nietzsche, un marteau qui assène et ne discute pas.
Internet n'a aucune vertu salvifique. Il est comme les langues d'Ésope : la pire et la meilleure des choses.
Demain, il pourra peut-être devenir un outil d'accès vertigineux à l'authentique connaissance qu'il faudra apprendre à aborder avec modestie et respect, avec précaution et humilité. Il; faudra se rappeler que les écoles philosophiques grecques, pythagoriciennes en tête, faisant la différence claire entre leurs enseignements exotériques accessibles à la foule et leurs enseignements ésotériques accessibles aux seuls initiés ayant fait la preuve de leurs capacités intellectuelles et spirituelles réelles. Il devra donc y avoir deux Internets : les jeux du cirque d'une part, les bibliothèques de sagesse et d'intelligence d'autre part (comme il y a aujourd'hui, dans les librairies, 99% de bouquins, de DVD et de CD "divertissants" donc nuls, face à un vague pour-cent, perdu et caché, qui offre quelque intérêt).
La culture, l'intelligence, la connaissance et la sagesse resteront toujours le lieu d'une minorité (l'humanité vit sur une gaussienne que cela plaise ou non, avec seulement 10 à 15% au mieux "d'élite mentale") : Internet n'y changera rien ! Et c'est tant mieux. Et c'est tant pis.
La pollution d'Internet
Aujourd'hui, parce qu'Internet est accessible et "polluable" par tous, la loi de la majorité qui est la loi de la médiocrité, joue : Internet est devenu, majoritairement, une poubelle informationnelle à usage populaire.
Le débat au fond n'est ni technologique, ni prospectif mais philosophique. Croire ou ne pas croire en la vertu de la majorité, du collectif, du grand nombre.
Érasme affirmait : "on ne naît pas homme, on le devient" ; il n'avoua pas que très rares sont ceux qui le deviennent.
Le livre de Malo semble croire à la vertu du grand nombre, à l'intelligence générique du genre humain, au talent égalitairement distribué que l'Internet libèrerait enfin. L'Internet, après les faillites des Internationales, deviendrait le sauveur et le libérateur du genre humain.
Démocratisme et droit-de-l'hommisme en sont les étendards, mais ce sont des étendards fanés dont la faillite est évidente aujourd'hui. L'homme est massivement et durablement stupide et barbare (faut-il rappeler que 6 milliards d'abrutis sont en train de tuer la Terre et ne laisseront à leurs rejetons que des déserts invivables ?), et le fait que sa stupidité et sa barbarie puissent aujourd'hui s'exprimer sur la toile, à grande échelle, sans vergogne ni retenue, ne change rien quant au fond - au contraire : à force d’étaler la médiocrité et la bêtise, on les banalise et on les légitime … au risque de décrédibiliser, voire de détruire, ce qui aurait pu être la plus bel outil noétique.
Contrairement à ce qui semble être une hypothèse implicite de ce livre, il n'y a pas, au sein de l'humanité, un génie collectif latent et implicite. Le génie, disait da Vinci, c'est 5% d'inspiration et 95% de transpiration. Ce vrai génie-là est totalement absent de 99,9% des flux et contenus du web. On y trouve surtout de l'expiration sans transpiration.
Univers virtuels et univers immatériels : la nuance
On parle à juste titre de l'ouverture, grâce à l'informatique et à Internet, d'une infinité d'univers "virtuels" dont les jeux vidéo seraient les parangons. C'est ne pas faire la distinction essentielle entre univers virtuels (ceux des jeux vidéo et autres inepties de "fuite" hors du réel) et univers immatériels (ceux des idées et des connaissances, ceux des recherches et des créations authentiques - celles des Mozart ou des Modigliani - qui n'ont évidemment rien de commun avec le rap ou les tags).
Les univers immatériels ne sont pas virtuels : ils sont on ne peut plus réels quoique totalement dématérialisés. Il ne constituent pas des fuites hors du réel, mais des émergences qui prolongent et déploient le réel : le distinguo est essentiel.
Divertissement et accomplissement sont contraires et incompatibles.
Le divertissement divertit (du latin dis-vertere : "faire tourner loin de") c'est-à-dire qu'il détourne, qu'il dévoie du processus âpre et ardu de l'accomplissement.
On ne peut pas à la fois fuir (divertissement) et assumer (accomplissement).
L'Internet, aujourd'hui, est majoritairement un outil de divertissement. Il faudra donc inventer, ailleurs, un Internet de l'accomplissement qui aura aussi ses sites, ses blogs et ses courriels, mais d'une tout autre tenue.
Cet Internet-là n'intéressera jamais le troupeau humain.
Trois regards divergents
Je travaille essentiellement par informatique et sur Internet. Ces outils me sont plus que chers et indispensables, et je les estime au plus haut point … mais je me garderai bien d'en faire une panacée. Une technologie, quelle qu'elle soit, est totalement neutre et elle ne prend valeur que par ce que l'on en fait.
Nos sociétés se découpent en trois catégories de gens : il y a les traditionalistes qui rejettent les technologies en général et l'Internet et ses dérivés en particulier ; il y a les modernistes, accrocs de techniques et de gadgets branchés ; et il y a les culturels créatifs (dont je suis) qui veulent faire émerger un autre monde humain (qui sera probablement à plusieurs vitesses), radicalement autre, où la technologie, quelle qu'elle soit, sera au service de l'accomplissement de l'humain en l'homme en harmonie avec la Nature et le Cosmos.
Ces trois regards forgent trois Internets : le Non-Internet que l'on blâme et conspue au nom de la "morale" ou de la haine du libertaire, l'Internet des mondes virtuels, des jeux et des gadgets technologiques, et l'Internet des univers immatériels de la Connaissance et de la Pensée. La médiocrité ambiante écrase et étouffe celui-ci sous la lourde chape des deux autres.
C'est dommage. L'homme polluera-t-il toujours tout ce qu'il touche ?
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Rédigé par : Marc Halévy | 3 fév 2006 15:50:52
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